A vous Roméos de la terre
A vous Roméos de la terre
A vous Roméos de la terre
Qui ont perdu leur Juliette,
Qui ont rejoint le cimetière
Parce qu’ils avaient perdu la tête
Pour ne pas avoir à pleurer
Celle qu’ils aimaient d’une folie
Qui se pensaient mieux enterrés
Que séparés de leur jolie
A vous tous les gentils Qaïs,
Fous d’amour pour votre Leïla
Qui n’ont point connu les délices
De se blottir dans ses bras
Séparés d’elle par ministère
La tête emplie de beaux poèmes
Se mourants seuls dans le désert
Raison perdue, vie de bohème
Que savaient-ils de votre amour
Et de tous les mots pour le dire
Et elle qui n’osa en retour
De son vieux père affronter l’ire
Toi qui seul avait le regard
Qui faisait d’elle une déesse
Elle qui n’était guère belle à voir
A qui tes yeux donnaient noblesse
Aux Tristans qui sans leur Yseult
Se sentent seuls, comme orphelins
A ceux qui se sentent hideux
A qui après, tout semble vain
A ceux qui voudraient entreprendre
Le voyage pour la retrouver
Mais qui ont peur de se méprendre
De ne jamais la regagner
Ceux qui voudraient de leur exil
Vaincre distance par philtre magique
Car les liens du cœur sont fragiles
Malgré tous les chants, les cantiques
Aux Ulysses rêvant Pénélope
Restée au pays de leur cœur
Allants affronter les cyclopes
Avec la plus belle des ardeurs
A quoi pense-t-elle ? Que devient-elle ?
Est-elle heureuse ? Est-elle pensive ?
Au bras de qui se promène-t-elle ?
Pourquoi est-elle si évasive ?
A ceux qui n’attendent aucun signe
Parce qu’ils ont bien trop espéré
Alors doucement ils se résignent
Et s’endorment seuls la nuit tombée
A toi Antoine, Empereur d’Orient
Qui entendant folle rumeur
De Cléopâtre perdant son sang
Retourna le glaive dans ton cœur
Toi Salomon roi des Hébreux
Dans ton palais au sol miroirs
Qui pris pour la reine des gueux
Celle qui pieds nus venait te voir
Dotée de sagesse infinie
Bilqis, ton égale, tu t’épris
Reine de Saba et d’Ethiopie
Vers ses royaumes s’en repartit
A vous Rodrigues sans vos Chimènes
Entre vos cœurs et le devoir
Déchirés au bord de la scène
Qui n’espéraient plus la revoir
A toi aussi patiente Juliette
Et ton grand coureur de Victor
Hugo qui te tourna la tête,
Une lettre par jour jusqu’à ta mort
A tous les Cyrano poètes
Aux vers écrits pour leur Roxane
A toutes les amours secrètes
Pour que jamais vos cœurs ne fanent
A vous tous les princes charmants
Qui aimez encore une princesse
Mais pour qui les contes d’enfants
Riment aujourd’hui avec tristesse
A ceux qui ont vendu leur âme
Pour d’une femme un seul baiser
Et qui subissent depuis les flammes
Du tourment, pour l’éternité
A vous tous les amours brisés
Par la haine ou la jalousie
A vous qui n’êtes plus aimés
Après une promesse de vie
Ceux qui avaient fait leur idole
D’un rêve chimère, de mots en l’air
Dit trop vite ou bien d’un air fol
Et puis qu’on a bien tôt fait taire
A toi Musset poète dandy
Et Georges la tumultueuse
A vos passions, à vos écrits
Au drame de vos vies envieuses
A vous tous les amours indus,
Qui avait rompu les amarres
Noyés loin des rivages, perdus
Pris dans les mailles d’une gabarre
A vous les amours envolés
Vers de lointaines contrées obscures
A tous les amours éloignés
Par le temps et les heures qui durent
A tous ceux qui se sont perdus
Quand il faut être raisonnable
A ceux qui n’ont pas su, pas pu
Trouver le moment favorable
À ceux à qui fut arrachée
Dans une profonde douleur
La belle amante contre leur gré
Et qui n’ont d’yeux que pour les pleurs
A vos cœurs couverts de gloire
Nobles et purs comme la myrrhe
Vous qui l’aimiez jusqu’à avoir
Accepté de la voir partir
À ceux qui n’ont pas su lui dire
Aux regrets qui viennent après
Et puis à ceux qui ont dû fuir
Guerre, misère ou autorité
À ceux qui ont trop attendus,
Ou ceux qui ont été trop vite
Des amis ils sont devenus
Mais eux ils voulaient d’autres rites
À ceux pour qui c’est impossible,
Pourtant à deux, ils en rêvaient
De jours heureux, de jours paisibles
Et le rêve s’est un jour brisé
A ceux qui ne sont pas bien nés,
Aux victimes des préjugés
Aux largués, lourdés, balancés
Aux oubliés, aux effacés
A ceux qui n’ont pas su que faire
Quand la tempête a éclaté
Aux amours extraordinaires
Que rien ne peut faire oublier
A tous les amoureux transis,
Qui n’ont pu aller jusqu’au bout
D’un amour vrai mais interdit
Et qu’on a trainé dans la boue
A tous les amours impossibles
Usant de la gomme sur ce mot
Mais la syllabe inamovible
S’obstine accrochée à son dos
Ceux qui peignent sans fin sur la toile
Le visage de la bien-aimée
Jusqu’à ce que vos yeux se voilent
Ou que de rage, abandonnez
Ceux qui écrivent encore pour elle
De belles lettres enflammées
Des mots d’amour et de dentelle
Que personne ne lira jamais
À ceux qui errent comme des fantômes
Sur les lieux de leurs souvenirs
Qui voudraient redevenir mômes
Retrouver l’innocent sourire
À ceux qui effleurent sans cesse
Une vieille photographie
Leurs doigts refaisant la caresse
Du bel amour de leur vie
À ceux qui cherchent des nouvelles
De droite et gauche et de travers
Qui ne peuvent oublier leur belle
Même à l’autre bout de la terre
A ceux qui à la fois maudissent
Le Ciel de ne rien oublier
Mais aussi sans fin le chérissent
Pour la mémoire de sa beauté
A ceux qui perdus dans l’alcool,
Ou la défonce ou bien la chaire
Et qui trouvent dans les fumerolles
Les raisons de leur adultère
Ceux à qui les tendres caresses
De ses mains fines et délicates
Manquent à leurs moments détresse
Et qui s’en trouvent écarlates
A ceux qui sont devenus laids
A force de s’être négligés
Parce qu’ils ne savent plus s’aimer
Après qu’ils eurent bien trop aimé
Ceux qui n’aimeront jamais pareil
Parce que comment aimer après
Celle qui vient hanter leur sommeil
Mais qui disparait au lever
Ceux à qui tout est terne et gris
Et sans odeur et sans saveur
Après qu’ils se soient tant épris
D’une poupée, d’un petit cœur
Vous les Roméos de tous temps
A qui manque la belle aimée
Chaque souvenir de chaque instant
Sur vos entrailles sont gravés
Aux Roméos de cette terre
Qui une fois avez aimé
De la force qui rend amer
Quand on se retrouve esseulé
Aux Roméos de cette terre
Qui malgré les orages, le temps
L’aimez encore comme hier
Comme à votre tout premier printemps
A vous Roméos de la terre !…
par Café Calva Thé à la Menthe ©2016
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